Gabriel Celaya: Au fond de la nuit tremblent les eaux d’argent

Au fond de la nuit tremblent les eaux d’argent.
La lune est un cri mort dans les yeux délirants.
Dans leur halo de silence
Passent les somnambules à tête de cristal,
Ils passent comme on soupire,
Ils passent entre les glaces transparentes et vertes.

C’est le moment des roses rouge sang et des poignards d’acier
Sur les corps plus que blancs du froid.

Au fond de la nuit tremble l’arbre du silence ;
Les hommes crient si haut que seule la lune les entend.

C’est le moment où les enfants s’évanouissent sur les pianos,
Le moment des statues au fond transparent des eaux,
Le moment où enfin tout paraît possible.
Au fond de la nuit tremble l’arbre du silence.

Dites-moi ce que vous avez vu, vous qui aviez la tête tournée.
Le calme de cette heure est un silence qui écoute,
Le silence est le sceau de la mort qui approche.
Dites-moi ce que vous avez vu.
Au fond de la nuit
Il y a un frisson de corps transis.

(Poème publié dans "Marea de silencio" [Marée de silence], 1935; traduit par Francisco Roa Bastos)